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Le local core, une tendance pratique

Quand on commence un jeu, on a souvent tendance à s’inspirer d’autres jeux qu’on a aimés. On a envie d’y ajouter notre pierre avec notre propre style pour faire honneur à des oeuvres qui nous ont touché.

Et c’est, à mon sens, une grave erreur.

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Le scope : notre pire ennemi

Quand on débute un projet, on se met à concevoir ses règles et son univers. On va piocher à droite et à gauche des idées qui nous plaisent, originales ou empruntées à d’autres jeux, que l’on va fusionner pour en faire un projet unique.

On relie plusieurs mécaniques entre elles, on justifie toutes nos décisions de gameplay par différentes techniques de présentation au joueur pour qu’il accepte notre univers plus facilement. Et on tente au mieux de faire en sorte que toutes ces mécaniques soient digestes et qu’elles ne surchargent pas l’expérience.

Mais ces mécaniques ne sont pas flottantes, elles vont venir enrichir un contexte scénaristique. Et vu qu’on n’est pas le plus original sur le gameplay, on va au moins tenter d’offrir une narration vaste et prenante.

Alors on fabrique notre monde, on rajoute des personnages, des lieux à visiter, on tisse un scénario qui va relier tous ces endroits et garder notre joueur intéressé par ce qu’il découvre. On veut le pousser à visiter tout ce qui nous à fait plaisir de concevoir, on veut qu’il voit tout ce qu’on a pris du temps à bâtir. Il doit profiter de tout ce qu’on a prévu pour lui.

Mais même avec les plus belles intentions du monde, cela n’offre aucune garantie sur la réussite de tous ces efforts.

Et arrive par la suite un démon bien caché : le scope (ou dimensionnement en français).

Votre projet va contenir énormément d’inconnues. Tous ces lieux, il faut les fabriquer, les imaginer, les dessiner, et les recommencer pour qu’ils correspondent parfaitement à votre vision. Vos monstres, vos personnages suivront le même sort. Tout ça prend du temps. Et le temps, c’est de l’argent. Il faut avoir le luxe de ses ambitions et consacrer des moyens suffisants pour obtenir les résultats que vous attendez.

Ce temps de conception, même si je ne peux qu’admettre que c’est extrêmement satisfaisant à faire, peut doucement vous faire glisser vers une explosion de votre planning (et donc de votre budget). Un jeu qui n’est pas bien dimensionné peut faire de gros dégâts sur votre trésorerie, d’autant plus que beaucoup se lancent sans aucune idée de comment on planifie un projet (mais je m’égare). A rajouter qu’en plus des problèmes matériels, peuvent émerger aussi des soucis artistiques : incohérences, manque d’originalité, de compétences pour la réalisation de cet univers nouveau.

Vous m’avez compris : se lancer dans un tel défi, sachant que chaque jeu terminé est un miracle, n’est pas de bon augure. Il faut pouvoir simplifier certaines parties pour pouvoir se concentrer sur nos réelles compétences.

Et si une réponse était pourtant sous nos yeux ? Est-ce qu’il n’y aurait pas un moyen d’au moins se rassurer sur un univers beaucoup plus stable tout en restant aussi riche et vivant, mais qui limiterait les besoins de conception et qui en plus serait facilement accessible pour récupérer des retours rapidement ?

Bienvenue à Localcity

Cet endroit merveilleux, il est autour de vous. C’est votre village, votre quartier, la forêt à côté de chez vous.

Partir d’un endroit qu’on connait par coeur, c’est se soulager d’un énorme poids : rien n’est à inventer. Tout est déjà là. Alors certes, on peut rapidement croire que l’on perd toute originalité, que c’est pas votre bourgade de 3000 habitants qui va faire sensation. Et pourtant, se baser sur cette situation confortable d’un lieu qui ne garde aucun secret pour nous permet justement de l’analyser simplement et en plus d’y ajouter nos propres histoires et notre imaginaire.

On retrouve déjà ce fonctionnement dans tous les autres arts, que ce soit en littérature avec Zola1 ou les Sherlock Holmes2, en musique avec Renaud3 ou Grand Corps Malade4, au cinéma avec Bienvenue chez les Ch’ti5, Banlieusards6 ou encore Midsommar10. Donc pourquoi ne pas aussi appliquer ce principe au jeu vidéo ?

Votre environnement est un candidat tout aussi valide que ceux que vous voudriez fabriquer de toute pièce pour raconter des histoires et vivre des aventures. C’est une contrainte d’univers très utile et plusieurs jeux se sont lancés là-dedans. Faisons un petit tour d’horizon.

Tchia

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On commence avec le plus vaste : Tchia, un jeu inspiré par la Nouvelle Calédonie.

Ici le but est clairement de visiter et de faire découvrir ces îles paradisiaques, où chaque animal peut nous conférer des pouvoirs supplémentaires.

Et au delà du gameplay, plein d’autres outils vont vous aider à traverser les somptueux décors. Un jeu qui donne clairement envie de voyager, sur un territoire qui est très peu représenté ouvertement dans l’industrie.

Dordogne

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On aura pas plus explicite. Cédric Babouche7 le créateur du jeu étant originaire de la région, il n’en fallait pas plus pour plonger le joueur dans un environnement tout en aquarelle, où là aussi, le gameplay incite directement à la découverte, car le jeu repose sur la prise de photos.

C’est un jeu nostalgique qui respire les vacances. Comme quoi on peut s’inspirer de nos régions, mais aussi s’inspirer de nos histoires personnelles (rien ne dit que c’est la vie de Cédric qui est imagée, mais les vacances chez les grands-parents restent un moment assez universel je pense).

Caravan SandWitch

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Ici l’enthousiasme de l’équipe autour du fait d’avoir été nommé comme étant un jeu “Provence-punk”8 me laisse dire que je suis dans le vrai pour ajouter le jeu à cette liste.

Et là on peut noter que l’objectif n’est pas uniquement de reproduire la région, mais de s’en servir pour agrémenter un univers plus vaste.

Dans Caravan SandWitch vous partirez à l’aventure avec votre Van, en collectant des pièces d’électronique pour progresser. On se retrouve donc avec de jolis espaces rocheux qui se mélangent avec tout un tas d’appareils électroniques dont l’assemblage entre technique et nature laisse penser à du Solar punk.

Blasphemous

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On arrive en Espagne. Le jeu se base en Andalousie, une superbe région marquée aussi par une forte présence religieuse. A nouveau, la dimension locale du jeu a surtout été utilisée pour servir un univers et un propos, au delà du fait de faire découvrir au joueur d’où on vient.

Une vidéo d’Osmosis9 détaille excellemment bien tout le travail qui a été accompli.

Bref, si je vous montre tous ces jeux, c’est pour insister sur le fait qu’en partant de ce qu’on connait, on peut déjà se rassurer sur la crédibilité de l’environnement : c’est littéralement là où vous vivez. Mais avec quelques ajustement vous pouvez aussi fabriquer des univers originaux qui vont dépasser la réalité. Les avantages sont donc très forts pour votre production de jeu et vous pourrez en plus vérifier instantanément vos succès. Allez demander à votre voisin de jouer et regardez le satisfait de reconnaître la fontaine qu’il voit à deux pas de chez lui.

Que vous parliez à un public international n’est toujours pas garanti. Mais vous pourrez au moins affirmer que le jeu est agréable pour les gens qui vous entoure et c’est une récompense qu’il ne faut pas négliger !

Au delà de l’univers

Certes, on a beaucoup parlé de décors, mais est-ce qu’on peut aussi parler de local quand il s’agit d’autres choses ?

J’ai encore quelques jeux sous le coude pour vous.

Broken Lens

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Le jeu des 7 différences, on y a tous joué enfant, et on se retrouve adulte à prendre beaucoup de plaisir à parcourir ces images en scrutant les moindres détails grâce à cette version.

On peut rapidement mettre en doute toute la dimension locale des décors comme vu précédemment. Mais ce projet a une histoire singulière : Encre Mécanique, le graphiste, a voulu faire ce jeu pour son neveu. Et là, on touche au but directement. Faire des jeux pour nos proches, c’est aussi un moyen de penser local. Cela pousse à penser au joueur tout au long de la production, et à venir chercher des retours le plus simplement du monde !

Cela permet aussi de garder une motivation certaine quand on sait qu’on va toucher une personne à qui l’on tiens. Alors je ne vais pas vous recommander de faire tous vos jeux pour votre famille ou vos amis. Mais cette contrainte de faire un jeu “pour quelqu’un” est très efficace contre le nemesis de cet article : le scope.

Car en général, quand vous parlez à quelqu’un d’un cadeau / projet que vous lui consacrez, vous évitez naturellement que ça prenne 12 ans à produire.

Welcome to Elk

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Ici c’est très particulier. Welcome to Elk est un jeu où vous incarnez Frigg, une fille venue aider son oncle à réparer des bateaux sur l’île d’Elk. Seule, elle va donc rencontrer tous les habitants, échanger avec eux et suivre les coutumes locales.

Mais il y a un twist : les histoires racontées sont toutes vraies.

Et je tenais à parler ce jeu car je trouvais intéressant le fait de se baser sur des faits réels car, aussi surprenant que cela puisse paraître, on sous-estime souvent le fait que l’humain fasse souvent des choses hors du commun.

Conclusion

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Un élément majeur dans la fabrication d’un jeu est le fait de tout produire soit même. Cela demande un temps d’analyse et d’itération qui est considérable, en plus du fait de fabriquer une nouveauté qui est difficile à envisager et à remettre en cause face à un public.

Penser à partir de ce qu’on connaît permet de simplifier ce processus, de se rassurer sur la compréhension de l’univers, d’éviter les dérapages tout en proposant une originalité dans un monde connu et certainement reconnu par un public qui vous entoure déjà.

Donc pensez-y pour vos futurs jeux, et si cette fois-ci vous vous arrêtiez uniquement à ce qui vous entoure ?

J’attends avec joie vos anecdotes en commentaire.

Liste des jeux cités

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